ALAIN JOUFFROY

LA VIOLENCE ET LA DOUCEUR

Bien, c'est comme ça : Martine Barrat déborde de vitalité, d'énergie, d'amour. Tout cela, au féminin, c'est-à-dire avec force, tendresse, véritable puissance : sans jamais aucune brutalité. Elle n'éprouve aucune «pitié» pour les gens : elle les accepte tels qu'ils sont, quels qu'ils soient, ou bien elle inc iste searialaste depuis dix ans, ll est devenue photographe New York depuis 1977. Elle y était arrivée en juin 1968 : cette seule date d'arrivée la-bas en dit long sur elle. Ce sont les gosses qui l'ont attirée à eux, dans ce théâtre de la Mama où elle a d'abord travaillé. C'est eux qui ont capté sa beauté, sa bonté, son élan. Alors, elle a voulu leur rendre ce qu'ils lui donnaient. Cela l'a menée loin, cela l'y mène encore. Dans les gangs d'abord. Au Bronx, à Harlem aussi. Puis aux abords du ring, où les boxeurs l'ont adoptée, comme les enfants furent les premiers à l'avoir fait. Elle les a filmés, puis photographiés les uns après les autres. En fait, elle a réussi à capter ce qui se passait entre eux, cette violence qui n'est que la forme exaspérée de la douceur. La violence de la douceur : elle y est entrée comme dans son élément à elle. Quand elle photographie des enfants-boxeurs, elle montre leurs coups comme des baisers fous, égarés. Elle va plus loin que les combats. Elle montre le combat comme un rite, destiné à détourner la violence du vrai crime, de la véritable horreur. Il faudrait qu'elle vienne au Japon, photographier les héros du «sumo» : les géants de la Douceur, dont le combat sans cesse différé, parce qu'une fois commencé il s'achève vite, n'es qu'une forme 'amour, expédiée à l'infini, sans mots.

Alain Jouffroy

Attaché Culturel de France au Japon